La fille de son père
Erwan Le Duc, France, 2023o
Étienne a vingt ans à peine lorsqu’il tombe amoureux de Valérie, et guère plus lorsque naît leur fille Rosa. Puis Valérie s’en va et les abandonne. Étienne choisit de ne pas en faire un drame, son enfant et lui se construisent une vie heureuse. Seize ans et demi plus tard, alors que le père et la fille vont se séparer à leur tour, chacun pour vivre sa vie, le passé ressurgit.
Un amour de passage dont est né une fille ; une mère qui a brusquement quitté son compagnon et son bébé ; une relation père-fille en pleine mutation ; un père en quête de sens alors que sa fille entre dans l'âge adulte : il ne faut que 9 minutes au réalisateur français Erwan Le Duc pour dérouler, au début de son deuxième long métrage, les 18 années de vie commune de ses deux personnages. Les paroles ? Superflues. La bande-son ? Parfaitement composée. Les images ? De pures trouvailles, délibérément fragmentaires, poétiques et raffinées. La tragi-comédie qui suit est à la hauteur de cette ouverture enchanteresse. Il y est question de la crise que traversent un père et sa fille lorsque celle-ci, têtue comme un âne, s'apprête à intégrer l'école d'art de la lointaine ville de Metz, tandis que lui, mi-entraîneur de football, mi-fainéant, vide le nid familial pour s'installer dans un appartement spacieux avec sa compagne du moment. Bien sûr, l'amour perdu et la mère absente constituent la case manquante du récit ; mais le réalisateur en dessine les contours par un jeu d'allusions si drôles et si légères que ce film modeste au premier abord se transforme en œuvre majeure. Les personnages ont du charme à revendre, les idées de dialogue et de mise en scène déferlent à foison, l'esprit de la Nouvelle Vague et de Buster Keaton n'est jamais bien loin. L'une des plus belles découvertes de l'année passée.
Andreas Furler